Dans nos régions pousse la plante de la peau par excellence, souvent en bord de chemin, dans les clairières, proche des habitations et des décombres. C’est l’herbe aux teigneux et aux pouilleux, le chou d’âne ou l’oreille de géant, le glouteron ou gratteron, le bouillon noir. J’ai nommé : la bardane dont le nom scientifique Arctium lappa provient du grec arktos, « ours », et de labein ou lambano signifiant « attraper » ou « saisir ».

En cours de macération

La racine de cette plante contient des mucilages, de l’inuline, des huiles essentielles, des tanins et phytostérols ainsi que des flavonoïdes. Dépurative de la peau, elle l’est aussi du foie et des reins, et permet de diminuer la glycémie. L’un des flavonoïdes qu’elle contient, l’arctiine, a une action relaxante sur les muscles. Elle perd une partie de ses principes actifs lors de la dessication, il est donc préférable de l’utiliser en extrait frais (alcoolature, extrait fluide glycériné…). On retient son nom vernaculaire d’herbe aux teigneux mais n’oublions pas qu’elle s’appelait aussi herbe aux seigneurs, car elle aurait soigné le roi Henri II de ses graves affections cutanées.

Sa racine n’est pas seulement médicinale…, elle est tout à fait comestible ! Crue ou cuite, son goût est proche du topinambour (Helianthus tuberosus), des salsifis (Tragopogon sp.) ou des scorsonères (Scorzonera sp.) que l’on trouve sur nos marchés. Leur point commun ? Ce sont des plantes de la famille botanique des Asteraceae. Récoltée au jardin à la fin octobre, nous avons cuisiné notre bardane, coupée en rondelles et tout simplement revenue dans de l’huile d’olive. Elle se cuit aussi à la vapeur. Comme toutes les racines d’Asteraceae, celle de la bardane contient de l’inuline, un fructane (polymère du fructose). Ce glucide très intéressant comme prébiotique de notre flore intestinale, favoriserait la croissance de bactéries bénéfiques à l’équilibre de nos intestins. A dose trop importante, cela entraîne toutefois quelques désagréments type ballonnement.

Arctium lappa racines

Son usage comestible est de nos jours plus répandu en Asie et notamment au Japon où elle fait partie du patrimoine culinaire. Elle est appelée gobô et cultivée dans les potagers.

En France nous avons quasiment perdu cette utilisation. Et pourtant, la racine de bardane était déjà connue dans l’Antiquité et apparaît dans le fameux capitulaire de Villis. Il s’agit d’un document officiel dans lequel, au IXe siècle, l’empereur Charlemagne aurait donné des directives aux intendants de ses terres, et notamment une liste d’espèces à cultiver dans tous les jardins royaux. La bardane y est citée sous le nom de parduna. Un peu plus tard on la retrouve dans des textes illustrés de la période médiévale comme le Tractatus de herbis de l’Egerton 747 (XIIIe – XIVe siècle), un manuscrit conservé à la British Library de Londres, rédigé probablement à Salerne en Italie, qui précise en latin les usages de certaines plantes (médicinales surtout). La bardane est aussi citée dans la version française de ce texte, Le livre des simples médecines, aux XVe et XVIe siècles.

British Library, Ms Egerton 747, f.17v, 1280-1320, Bardane (à gauche)

La plante a d’autres utilisations : la racine peut aussi se torréfier pour obtenir une boisson type « chicorée » (de Cichorium intybus, encore une Asteraceae…) et les feuilles séchées ont été utilisées roulées comme du tabac, de piètre qualité selon diverses sources.

Laissez-la donc vous accrocher au détour d’un chemin !