La viorne douce ou bois des cerfs (Viburnum prunifolium) est une espèce nord-américaine très fréquente sur un territoire allant de la Virginie au Missouri en passant notamment par le Kentucky, le Tennessee, la Géorgie ou la Caroline du Nord. Arbuste de la famille des Adoxaceae (ex-Caprifoliaceae) et proche des espèces françaises (V.lantana, V. opulus), il se distingue cependant par des feuilles rappelant celles des pruniers, d’où son nom.

La décoction d’écorce de ses rameaux et surtout de ses racines a été utilisée traditionnellement par de nombreux peuples amérindiens pour soigner une pléthore de troubles gynécologiques comme les nausées matinales lors de la grossesse, les effets de la ménopause ou pour récupérer après l’accouchement. Mais c’est surtout son action contre les douleurs menstruelles (et digestives) qui lui a valu sa renommée d’écorce aux crampes (cramp bark). Cet effet spasmolytique, principalement lié à la présence de coumarines (scopoletine, aesculetine), est dû à leur action relaxante des muscles lisses qui entourent ces organes.

The Cotton Pickers – Winslow Homer (1876)
Los Angeles County Museum of Art (Wikimedia Commons)

Cette propriété n’a toutefois pas toujours été utilisée pour de bonnes raisons, comme l’a récemment rappelé Claudia Ford dans son intervention pour l’American Botanical Council. Il faut pour cela revenir au XIXème siècle dans le « Old South » au temps de l’esclavagisme. En ce temps, les planteurs de coton étaient également les propriétaires d’esclaves qu’ils faisaient travailler sur leurs exploitations. Ces hommes et ces femmes représentaient pour eux une force de travail mais également un investissement puisque leur « reproduction » permettait d’enfanter de nouveaux esclaves. Dans ce climat d’horreur les femmes noires étaient ainsi souvent violées et forcées de mettre au monde une progéniture non-désirée.

Ces femmes avaient alors souvent recours en cachette, à des plantes abortives et en particulier aux décoctions de graines ou d’écorce de racine du coton (Gossypium hirsutum) dont la consommation provoque des contractions des fibres musculaires lisses de l’utérus (ocytocique). Pour se prémunir contre cet important « manque à gagner », les propriétaires leur faisaient alors prendre comme « antidote » la décoction de viorne (black haw) dont l’action inverse de relaxation de l’utérus permettait souvent d’empêcher l’avortement.

Fruits de cotonnier (Gossypium sp.) ouverts montrant les graines recouvertes de longs poils fibreux (image Wikimedia Commons)

Sur une note plus légère, la viorne douce contient également d’importantes quantités de tanins qui lui confèrent des propriétés astringentes, hémostatiques et veinotoniques, ainsi que des dérivés salicylés (salicine), des iridoïdes et des triterpènes (acide ursolique) qui contribuent à son action anti-inflammatoire et décontracturante musculaire. Cette écorce peut donc se révéler très utile pour de nombreuses applications aussi bien sous forme de décoction que d’alcoolature.

Référence:

Claudia Ford Ethnobotany and the secret life of plantsWebinar with Sustainable Herbs Program/American Botanical Council du 15 octobre 2020