La grande passerage ou passerage à larges feuilles est une plante de la famille des Brassicaceae, originaire d’Europe et d’Asie occidentale, mais aujourd’hui également présente en Amérique du Nord et en Australie. Elle fait partie des Lepidium, un genre cosmopolite qui comprend notamment des espèces comme la maca (L. meyenii), le cresson alénois (L. sativum) et la très commune passerage champêtre (L. campestre).
La grande passerage se distingue facilement des autres espèces autochtones par sa très grande taille (50-100 cm et plus), sa tige ramifiée et ses larges feuilles glauques lancéolées. Elle fleurit en début d’été en produisant de grands panicules de minuscules fleurs à quatre pétales blancs en croix et aux sépales à bords blancs. Sa distribution est ample, mais elle privilégie les lieux humides et notamment les bords de rivière ou même de mer, car très tolérante à la salinité. Très résistante, elle déploie un imposant système racinaire qui peut atteindre 3m de profondeur et s’étendre horizontalement, devenant ainsi vite envahissante.
Une plante alimentaire
Autrefois cultivée (le « nasturtium », un cresson dont la culture était encouragée dans les jardins monastiques au XIe siècle par le Capitulaire De Villis pourrait désigner Nasturtium officinale, L. sativum ou L. latifolium), elle est maintenant le plus souvent subspontanée. Les jeunes pousses peuvent se manger crues ou cuites, alors que les feuilles fraîches peuvent être ciselées dans la salade comme condiment et ses graines et racines aromatiser les plats. Extrêmement aromatique, cette plante a été beaucoup utilisée en Angleterre (« moutarde des Anglais ») comme succédané du poivre ou du raifort pour son goût piquant et acre sous le nom de perennial pepperweed, poor man’s pepper…
Une plante médicinale
Son nom vernaculaire de passerage rappelle avant tout son utilisation traditionnelle de remède contre la rage. Mais cet usage ancien est bien trop réducteur pour cette plante. Ses feuilles et ses racines, très riches en vitamine C, ont été utilisées avec succès comme antiscorbutiques et toniques ainsi que pour leurs propriétés apéritives et digestives.
L’infusion, le suc et surtout la décoction des racines ont servi à calmer les « excès de nervosité » et des affections liées comme les névroses, les attitudes hypocondriaques, la mélancolique, l’hystérie et les palpitations cardiaques.
Son usage traditionnel contre l’hydropisie (~ œdèmes) reflète son importante action diurétique. Une étude menée sur le rat montre en effet que la prise d’un extrait aqueux de feuilles de L. latifolium à une dose de 50mg/kg augmente le volume d’urine sur une période de 6h de 50% par rapport au placébo. Ces résultats sont en ligne avec une consommation chez l’homme d’un litre par jour d’une décoction dosée à 20g/l. Son emploi se révèle donc très précieux dans de nombreuses pathologies telles que lithiases urinaires (surtout si formées d’oxalates de calcium), rhumatismes, douleurs articulaires, goutte, cystite, engorgement du petit bassin et hypertrophie bénigne de la prostate. En Espagne on la connait d’ailleurs localement comme rompepiedras (= casse-pierres)…
Ses propriétés diurétiques s’accompagnent d’une action dépurative permettent d’améliorer la fonction hépato-biliaire et contribuer ainsi à une amélioration des problèmes cutanés (acné, eczéma, psoriasis…). Pour une action dépurative à tropisme hépatique et cutané, une décoction de grande passerage en cure de 3 semaines aux équinoxes de printemps et d’automne se révèle très efficace.
Comme d’autres Brassicaceae, la grande passerage contient une forte concentration d’hétérosides soufrés (glucosinolates) aux propriétés anti-bactériennes, expectorantes et anti-inflammatoires. Des études récentes confirment entre autres les propriétés anti-infectieuses et anti-prolifératives des extraits de cette plante
Les cataplasmes de feuilles ou de racines ont même été utilisés pour soigner les ulcères cutanés et pour traiter des maladies de peau (gale, dartres). On retrouve ces propriétés répulsives des insectes/parasites dans le midi. Comme pour la moutarde, des emplâtres à action rubéfiante (sinapismes) ont a été mis à profit pour soulager les douleurs d’arthrose ou de sciatique.
Bien que cette magnifique plante présente dans les potagers et les campagnes français ait été très précieuse pendant des siècles, son utilisation, comme celle de bien d’autres plantes, a été progressivement oubliée. Pourtant, à partir du milieu du XXe siècle, les moines bénédictins de l’Abbaye Notre-Dame de Maylis (Landes), ont repris sa culture et l’ont remise à l’honneur en commercialisant notamment la préparation de plante séchée sous la forme d’une tisane « draînante et détoxifiante » avec l’appellation de Plante de Maylis, un « puissant dépuratif pour favoriser fonctionnement digestif, biliaire, rénal et urinaire ».
Références
Blazevic et al. Antimicrobial and Cytotoxic Activities of Lepidium latifolium L. Hydrodistillate, Extract and Its Major Sulfur Volatile Allyl Isothiocyanate Chem. Biodivers. (2019)
Conde-Rioll et al. Antitumor activity of Lepidium latifolium and identification of the epithionitrile 1-cyano-2,3-epithiopropane as its major active component. Mol. Carcinog. (2018)
Martinez Caballero et al. Effect of an integral suspension of Lepidium latifolium on prostate hyperplasia in rats. Fitoterapia (2004)
Navarro et al. Diuretic action of an aqueous extract of Lepidium latifolium L. J Ethnopharmacol. (1994)
Bonjour,
Y a t-il des risques de confusion avec d’autres plantes? Un repère spécifique pour ne pas se tromper? Merci d’avance.